Transdisciplinarité des Arts Francophones
2 Mars 2023
Habités est un travail que je poursuis depuis une dizaine d’années dans plusieurs bidonvilles Roms en Serbie. J’explore les marges et ma quête est celle des trésors enfouis au cœur des hommes. Ma démarche tient moins d’un voyage vers l’inconnu que du besoin d’approfondir une relation tissée dès l’enfance.
C’était d’abord un campement à côté du bâtiment où j’ai grandi. J’y allais souvent pour jouer. Je rentrais chez eux. Je mangeais avec eux et eux avec moi, chez moi. Quelques années plus tard c’est ma fille que j’allais chercher au campement. Ses amis venaient à la maison. L’histoire continuait. Elle se poursuit aujourd’hui, chaque fois que je retourne dans mon pays natal je repars à leur rencontre. La série photographique se construit ainsi au fil du temps, image par image, entre mes souvenirs, mes rencontres et mes émotions.
Je vais vers eux et ils me laissent entrer, là-bas, dans leurs bidonvilles. Là-bas, tout est fluide, rien n’est figé, ni le sol ni les murs. Là-bas on ne rentre pas dans une maison, on franchit juste un passage incertain vers un autre monde. J’entre, j’écoute, je regarde, parfois au travers de mon objectif et parfois non. Je suis meurtrie par des choses qui me semblent trop cruelles pour que les enfants et les gens les vivent. Je me demande souvent où ils trouvent la force de commencer leur journée, là, sur la décharge de la grande ville. Et je vois que ce n’est pas juste de la force. Il y a une joie vraie, un rayonnement de vie.
Un matin un garçon me montre ses nouvelles chaussures, un peu grandes mais bien quand même. Sa petite sœur arrive toute fière, avec un grand sourire - c’est moi qui les ai trouvées pour lui dans la poubelle - Le soleil est revenu d’un coup dans mon cœur.
Sladjana Stankovic sur Photos-Littera