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Le nouvel Hollywood

Le nouvel Hollywood

Le Nouvel Hollywood, un livre de Jean-Baptiste Thoret et Brüno

Un conseil de lecture de Alain Hertay

Belle idée que d’associer Jean-Baptiste Thoret, « le » spécialiste du cinéma américain des années 70 et le dessinateur Brüno (Tyler Cross) pour un petit ouvrage retraçant l’histoire du Nouvel Hollywood. Thoret est déjà bien connu pour ses publications sur cette période (Le Cinéma américain des années 70, Road Movie, USA). L’esprit de la collection La petite Bédéthèque des savoirs (Le Lombard) est celui de la vulgarisation : rendre accessible et attractif un sujet particulier par l’image et par le texte.

 

Mais qu’est-ce que le Nouvel Hollywood ? Une révolution, comme le rappelle David Vandermeulen dans la préface de l’ouvrage : entre 1967 et 1980, une « nouvelle génération de réalisateurs [Scorsese, Cimino, Romero, Coppola, Eastwood, Spielberg, Cassavetes, Allen, Altman, De Palma…], mais aussi d’acteurs et de producteurs, se positionnera contre l’ancien Hollywood. […] Cette génération - des trentenaires pour la plupart - fut fascinée par l’essor du cinéma français et italien, baignée de contre-culture, politisée, obnubilée par les tabous de l’Amérique qu’étaient le sexe, la corruption, la violence et les injustices liées aux représentations sociales… »

 

Le Nouvel Hollywood, c’est une parenthèse enchantée qui continue à influencer aujourd’hui les films de Wes Anderson, Michael Moore, James Gray, Michael Mann, Gus Van Sant, Jeff Nichols, Quentin Tarantino, David Fincher…

 

Dans un style toujours clair et didactique, Jean-Baptiste Thoret parcourt cette décennie sous un angle moins chronologique que thématique. Il exhume des films méconnus, Seconds (1966) de John Frankenheimer et The Swimmer (1967) de Frank Perry, qui préfigurent le mouvement. Il s’attarde ensuite sur les premières grandes oeuvres du Nouvel Hollywood : Bonnie and Clyde (1967) d’Arthur Penn, La Horde sauvage (1969) de Sam Peckinpah et, bien évidemment, l’emblématique Easy Rider (1969) de Dennis Hopper. Des portraits de réalisateurs sont également proposés : Robert Altman, Hal Ashby, William Friedkin, Francis Ford Coppola… Surtout, Jean-Baptiste Thoret démontre en quoi le Nouvel Hollywood a été un moment critique de l’histoire officielle américaine et de ses valeurs : qu’il s’agisse du mythe de l’action utile (Taxi Driver de Martin Scorsese), du modèle patriarcal (Le Lauréat de Mike Nichols), de la représentation traditionnelle de la virilité dans le cinéma hollywoodien.

 

Par ailleurs, le Nouvel Hollywood est également associé à la création de nouveaux genres cinématographiques comme le rappelle Thoret. C’est la naissance d’un cinéma d’horreur gore avec La Nuit des morts-vivants (1968) de George Romero ou Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper. C’est aussi l’errance sans fin des road movies : Point limite zéro (1971) de Richard Sarafian, Macadam à deux voies (1971) de Monte Hellman, réalisés à la suite d’Easy Rider qui inaugure le genre. C’est le développement de la blaxploitation, cinéma de et pour la communauté afro-américaine (Shaft de Gordon Parks en 1971). Enfin, en opposition à ces films issus pour la plupart de la contre-culture, apparaît un cinéma volontiers réactionnaire situé du côté de l’ordre et de la loi : L’Inspecteur Harry (1971) de Don Siegel, Death Wish (1974) de Michael Winner.

 

L’ouvrage se clôture sur l’évocation de l’année 1975 vue comme une année pivot. Aux oeuvres politiques, adultes et souvent très sombres, vont succéder de plus en plus de films d’évasion plus légers au style plus traditionnel : La Fièvre du samedi soir (1977) de John Badham, Rocky (1977) de John G. Avildsen et, surtout, Star Wars (1977) de George Lucas qui inaugure un nouveau mode d’exploitation et de merchandising des films. Comme a pu le dire William Friedkin, cité dans l’ouvrage : « La Guerre des étoiles a tout raflé. Et ce qui s’est passé après, c’est la même chose que ce qui s’est passé après le succès fulgurant des fast-foods : le goût pour les bonnes choses s’est mis à disparaître. Il s’est ensuivi une période de régression terrible. Et elle continue. Nous sommes tous tombés dans le trou ». L’échec financier colossal de La Porte du Paradis de Michael Cimino en 1980 signifie la fin du Nouvel Hollywood.

 

C’est ce vaste panorama qu’arrive à synthétiser Jean-Baptiste Thoret en quatre-vingts pages intelligemment agencées. Il est pour cela aidé par le trait sobre de Brüno qui redessine les images les plus symboliques des films convoqués, déploie ses cases comme des séries de photogrammes, recompose des séquences complètes de films, fusionne l’histoire du cinéma et l’histoire de l’Amérique. Il faut voir à cet égard la double très belle page consacrée à l’assassinat de JFK, le 22 novembre 1963. Le dessin y rencontre idéalement le texte pour signifier combien le célèbre petit film super 8 qui a saisi cet événement est peut-être ce qui a hanté le plus, de façon souterraine, tout le Nouvel Hollywood : de sa critique des images jusqu’à sa remise en question    des institutions américaines, de façon emblématique dans des oeuvres comme A cause d’un assassinat d’Alan J. Pakula et Conversation secrète de Francis Ford Coppola, tous deux sortis en 1974.

 

Alain Hertay

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